BASSIN OUEST, par Pierre HÉDOUX

 

LES  AMIS  DU  VIEUX  CALAIS

 

Les  rues de  Calais

 

BASSIN OUEST

 

Pierre Hédoux

(à partir des notes du fonds de Robert Chaussois)

 

  Le bassin Ouest actuel correspond à l’ancien avant-port et à l’ancien bassin d’Orléans, du XIXème siècle.

 

Bassin-Ouest

 

Jusqu’en 1834, le port de Calais ne fut constitué que d’un simple chenal de faible profondeur, s’ouvrant entre deux longues jetées et aboutissant à une sorte de bassin naturel, compris entre le Risban et la digue au nord ; Le Courgain et les remparts de la ville, au sud, dans lequel venaient se déverser les eaux de l’intérieur dont le régime était insuffisant pour assurer les chasses nécessaires à l’élimination de la vase et du sable amené par les marées.

Pour illustrer les proportions de ce port, disons qu’il correspondait uniquement à l’actuel avant-port, le bassin Ouest et le bassin Carnot étant comblés !

Ce port de faible superficie s’ensablait inévitablement au grand désespoir des animateurs de l’établissement maritime et… des capitaines de paquebots transmanche.

Dès 1829, une solution se fit jour avec le projet établi par l’ingénieur en chef des Ponts-et-Chaussées, Raffeneau de l’Isle (qui donna son nom à la rue Raffeneau). Il constituait dans le creusement d’un bassin à flot, face à la citadelle et d’un bassin de retenue pour les chasses, au nord du bassin, contenant un million de mètres cube d’eau, que libérait l’écluse Raffeneau, située au fort Risban, en face du quai de marée. Ces chasses faisaient office de nettoyage, à une époque où les dragues n’existaient pas.

La navigation intérieure étant mise en communication directe avec le port, par l’écluse de la Citadelle.

L’administration centrale se fit tirer l’oreille et, finalement, ces travaux furent acceptés par les lois du 15 juillet 1834 et du 19 juillet 1837.

Le nouveau bassin devait avoir une superficie de deux hectares environ, soit une longueur de 255 mètres, et une largeur de 75 mètres. Le port d’échouage faisait suite au bassin à flot, dont il était séparé par une écluse de 17 mètres de large. Il était limité par le quai Nord et servait plus particulièrement au commerce des bois du Nord.

Les travaux furent menés à bien par l’ingénieur Nehou (dont le nom fut aussi donné à une rue) de 1834 à 1842, l’inauguration ayant lieu en novembre 1842.

Une ordonnance royale du 25 octobre 1842 donna le nom de Bassin d’Orléans au bassin à flot du port, précisant que c’était en hommage au fils du Roi Louis-Philippe, le Duc d’Orléans, tué le 13 juillet 1842, dans un accident de voiture (hippomobile), à la sortie du Bois de Boulogne, près de la Porte Maillot.

Les travaux d’aménagement furent terminés le 25 décembre 1843, leur coût s’étant élevés à 6 millions de francs de l’époque.

La révolution de 1848 débaptisa ce bassin, qui devint le bassin Ouest et fut un centre important de réception des bois du Nord, en provenance de Norvège et de Suède.

 

Bassin-Ouest – Quai sud de la Darse n°1

 

Ce premier bassin correspond de nos jours, à la deuxième darse du bassin Ouest, la première darse étant constituée par une partie de l’ancien avant-port. En bordure de celui-ci (quai Edmond Pagniez actuel), il y avait la première gare maritime de Calais.

 

L’ancien avant-port et l’ancien bassin d’Orléans, du XIXème siècle

 

On y installa par la suite un dépôt d’hydrocarbures ainsi que quatre appontements destinés à recevoir les pétroliers de Pennsylvanie (USA), du Caucase et de Roumanie.

 

Le bassin d’Orléans, devenu le bassin Ouest, agrandi à deux reprises, en 1880 et, notamment en 1907, servait principalement au débarquement des marchandises dangereuses ou encombrantes : bois, charbons, essences, pétrole, etc.

 

 

Gare Maritime

 

Construite en 1848, la première gare maritime de Calais,  fut élevée près du bassin Ouest actuel, en façade sur le bassin du Paradis, grâce au prolongement de la ligne de chemin de fer Paris-Calais via Lille, qui avait auparavant son terminus à la gare de Saint-Pierre, située approximativement au pont Gambetta actuel.

La nouvelle gare maritime fut construite en bois, recouverte de zinc et on l’ouvrit au trafic le 19 août 1849.

Elle était considérée à l’époque comme la plus belle de la région.

Elle abrita en 1853 la première exposition calaisienne de tulles et dentelles que Napoléon III vint visiter.

Cette gare, située au port d’échouage, où accostaient les paquebots, eut une existence éphémère, puisqu’en 1867, on prolongea la ligne de chemin de fer jusqu’au quai de marée, plus commode pour l’accostage des paquebots.

Désaffectée en 1889, époque de la mise en service de la gare maritime à l’est, elle ne servit plus qu’à l’expédition du poisson, d’où son nom de Calais-Marée.

Puis on décida de la démolir. Le hall de marchandises fut rasé en 1900.

Ȧ ce moment, la Compagnie du Nord eut l’idée de restaurer l’ancien hall des voyageurs pour l’affecter au service des « trains de plaisir », amenant les touristes du nord de la France, pendant la saison balnéaire.

Malheureusement, elle fut aux trois-quarts détruite le 6 octobre 1901, lors de l’ouragan qui balaya la partie nord de la ville, y causant d’importants dégâts. Deux trains de marchandises furent ensevelis sous les décombres. Il ne restait plus, debout, que la façade donnant sur le bassin du Paradis. On la rasa le 13 janvier 1902.

 

 

Vers 1864, le bassin Ouest fut lié à un épisode de la Guerre de Sécession. Un steamer, gréé en trois mâts, le « Rappahannock », acheté à Londres par les Confédérés, parvint à s’échapper d’Angleterre. Il vint au large de Calais pour embarquer un complément d’équipage. Les matelots, prétextant une promenade en mer, avaient loué les services d’un patron de pêche pour aller sur la rade. Mais, le patron refusa d’accoster le steamer et rentra à Calais. Le navire vint donc à Calais. Le service du port lui conseilla de monter au bassin à flot (le bassin Ouest actuel) où il aurait été plus à l’aise. Lorsqu’il y fut, on tendit une chaine. L’aviso américain resta ainsi prisonnier à Calais, jusqu’à la fin de la guerre, au plus grand profit du commerce local qui bénéficia largement des dépenses faites par les 200 hommes d’équipage du navire saisi.

Un croiseur nordiste, le « Kearsage » vint stationner en face de Calais, au cas où le « Rappahannock » aurait tenté de s’échapper. Ce navire de 3 053 tonneaux brûla finalement en mer en 1891. Il avait été construit aux chantiers de Bath (Maine) USA.

 

Le 16 octobre 1888, Le bassin Ouest a été le théâtre d’une explosion catastrophique. Le pétrolier « Ville de Calais » de 1 221 tonneaux, avait fini le transbordement de son chargement de pétrole en vrac dans les réservoirs situés à l’extrémité du bassin. Il avait commencé à embarquer son lest, constituant en eau, lorsque vers 9 heures du soir, le capitaine en second et le troisième mécanicien descendirent dans la cale.

Quelques instants après, une immense colonne de feu s’éleva à plus de 100 mètres et fut suivie d’une formidable détonation. On suppose que l’un de ces malheureux aurait voulu enflammer une allumette qui aura mis le feu au gaz de pétrole resté dans l’un des compartiments.

L’incendie fut difficilement combattu par les pompiers, des stocks de carburants menaçant de sauter à tout instant. En ville, les dégâts furent considérables. Une sentinelle eut la jambe cassée, à 200 mètres de là, par un éclat de tôle provenant du navire.

Le choc produit fut tel que la plupart des rues de l’ancien Calais se sont trouvées jonchées d’éclats de vitres.

Ȧ Saint-Pierre-les-Calais, la secousse s’est fait tellement sentir que dans plusieurs maisons les portes se sont ouvertes et le gaz s’est éteint. On dit que le bruit de l’explosion s’est entendu jusqu’à Boulogne et Douvres !

Des plaques de tôle ont été arrachées au navire et projetées à plus de 500 mètres de distance. Le cadran de l’horloge de l’ancien hôtel de ville se fendit.

L’équipage du vapeur-pétrolier était composé de 29 hommes, dont heureusement 9 seulement étaient à bord au moment de la catastrophe. Trois d’entre eux, le capitaine en second Clinquart, le troisième mécanicien Kervoasou et le matelot Darrieu de quart, furent tués.

Le mousse et un novice étaient couchés à l’avant. Réveillés par la détonation, ils se jetèrent à l’eau en chemise et purent être sauvés. Un matelot, ayant eu les deux jambes brisées, fut transporté à l’hôpital.

Le vapeur se partagea en deux, les deux moitiés étant projetées à environ 40 mètres l’une de l’autre.

L’avant du navire, où se trouvaient les provisions et de l’huile, fut ravagé par l’incendie pendant toute la nuit. Par contre, l’arrière, contenant la machine, était quasi-intact. Deux dames parentes du capitaine, qui se trouvaient dans sa cabine, en furent quittes pour la peur.

 

Le pétrolier « Ville de Calais » après l’explosion

 

Le 20 novembre 1903, la première pierre du barrage-écluse donnant accès au bassin Ouest, sous le pont Henri-Hénon, fut posée par M. Chapron, sous-préfet de Boulogne. C’était la clef de buse, de forme angulaire, pierre sur laquelle viennent se rejoindre les deux vantaux des portes d’écluse. Le radier avait été fait avec des pierres provenant de l’ancienne écluse du canal de Calais, située jadis à l’emplacement où se trouve maintenant le pavillon-nord de la Gare Centrale et que surplombait le Pont Chinois.

(« Le Phare » du 22 novembre 1903)

 

En août 1913, au cours de travaux de construction des nouveaux quais de la première darse, on découvrit des armes anciennes, des ossements humains, des médailles romaines à l’effigie des empereurs, y compris Jules César, et d’autres médailles des XIIIème et XIVème siècles.

 

Pendant la guerre 1914-1918, il fut utilisé en totalité par la base belge, avec un poste pour les pétroliers venant ravitailler la base britannique.

Un pétrolier, le « British Sovereign » y brûla accidentellement, le 7 septembre 1918, provoquant la mort de son commandant et la presque totalité de l’équipage formé de Chinois, qui furent brûlés en voulant s’échapper à la nage, alors que le pétrole enflammé courait sur l’eau. Il y eut de gros dommages aux navires amarrés à proximité et aux appontements. Le pilote calaisien Pierre Dutertre, aidé de marins belges, parvint à éloigner le navire en feu de la darse des pétroliers et à le mettre à l’abri dans la darse voisine.

 

Après la guerre 1939-1945, et les démolitions volontaires de l’ennemi, qui la laissèrent en piteux état, il fut malheureusement procédé au comblement de la deuxième darse, à l’aide de matériaux de démolition, provenant des ruines de Calais-Nord, que l’on ne savait où transporter !

 

En septembre 1951, seule, la première darse fut remise en état et rentra en service.

 

En 1964, les travaux d’agrandissement et de modernisation du bassin Ouest furent entrepris.

Comblée à la Libération, la deuxième darse resta fermée près de vingt ans.

On procéda au déblaiement de la darse jusqu’à la cote moins deux mètres, à la reconstruction du quai sud sur 200 mètres à la cote moins 5 mètres, à la restauration de l’ancien mur à l’extrémité du quai sud sur 60 mètres, à la reconstruction du quai nord sur environ 400 mètres, à la restauration des perrés du fond du bassin sur environ 180 mètres.

Il était prévu de livrer le quai nord au stationnement des navires de commerce.

 

Agrandissement du Bassin Ouest

 

Vue aérienne du site dans les années 1960

 

Le lundi 25 avril 1966, c’est sur le terre-plein du bassin Ouest que vinrent atterrir, les hélicoptères amenant le Président de la République, le général De Gaulle, et les ministres l’accompagnant dans sa visite dans le nord de la France.

 

En 1966, commença l’installation à l’ouest du bassin du dépôt pétrolier du Comptoir français des Pétroles du Nord. Le terrain fut nivelé, consolidé (une casemate dut être rasée) et recouvert d’un revêtement. Cinq cuves furent installées, aucune ne pouvant dépasser la hauteur de 14,40 mètres, pour rester invisibles du Stade de la Citadelle.  

 

 Cuves du dépôt pétrolier

 

En été 1967, la deuxième darse du bassin Ouest fut ouverte, mais il restait à assurer l’équipement des quais : engins de levage, voies ferrées, réseaux électriques, etc. afin d’accueillir les navires de  commerce.

 

 

Déchargement de sacs de blé

 

 

 Stockage de bois sur les quais

 

Le 1er juillet 1967, la darse de plaisance et le club-house des plaisanciers furent inaugurés par M. Pierre Dumas, secrétaire d’État au Tourisme, qui avait salué le matin, en gare maritime, le cinquante-millionième voyageur passant par Calais depuis 1816.

 

La darse de plaisance

 

Le club-house et ses pontons

 

Le 12 septembre 1967, le premier navire-citerne reçu fut, le  « Port-Etienne », de 93 mètres de longueur, appartenant à la Soflumar, et venant d’Anvers avec 3 300 tonnes de fuel lourd.

 

En septembre 1995, obsolètes et inutilisées, les grues du bassin Ouest furent livrées à la casse. Elles étaient là depuis les années 1966-67, mais ne furent guère employées, de meilleures conditions d’accès et de déchargement s’offrant au bassin Carnot.

Le bassin à flot ne sera plus dédié qu’aux activités de plaisance.

 

En 2002, de nouveaux pontons sont construits au bassin de Plaisance. La même année, on remplacera l’écluse.

 

En 2004, le bassin de Plaisance est certifié ISO 9001 (Reconnaissance qui permet de satisfaire les attentes des clients et des usagers et améliorer la qualité des services).

 

En 2010 : dragage du bassin.

 

En 2021, l’agglomération Grand Calais Terres et Mers, a décidé de passer la gestion du port de plaisance en délégation de service public. Historiquement opérateur, la Chambre de Commerce et d’Industrie a vu sa proposition refusée au profit du groupe Edeis.

Le port de plaisance est soumis aux marées pour rentrer dans le bassin à flot, qui comporte 242 anneaux ainsi qu'une vingtaine d'emplacements dédiés aux visiteurs. Sauf exception, l'ouverture du pont est possible 2 heures avant la pleine mer et jusqu'à 3 heures après, soit 6 ouvertures du pont à heure fixe par marée.  De nombreux services sont disponibles : eau et électricité sur ponton, WIFI gratuit, carburant 24/24, shipchandler, réparation de voile etc.

 

Pontons équipés

 

Le port de plaisance de Calais se trouve à quelques minutes à pied du centre ville et de la plage, de quoi faciliter la visite, la restauration ou encore le ravitaillement. Il est une étape idéale pour le plaisancier navigant en Mer du Nord ou en Manche.

À proximité, se trouve un arrêt de la navette gratuite de centre ville Balad'In et une station de vel'in (vélo en liberté). 

 


Marina de Calais

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