UNE OEUVRE CONTEMPORAINE

 

Un train mythique en gare de Calais, par Élisabeth CALAIS




L’ORIENT-EXPRESS en gare de Calais-Ville, le long de la voie A. (Photo E.Calais)




Fresque de 25m réalisée début août 2021 par l’artiste FLOW, d’après des dessins techniques de la SNCF, dans le cadre du 2e Festival de Street Art de la Ville de Calais, dont la coordination a été confiée aux Ateliers du Graff.
Le street artiste, originaire de Bayonne, rompt ici avec ses sujets habituels, qui consistent bien souvent en des portraits réalistes. Pour relever le défi de représenter ce train mythique, il propose à la SNCF deux projets : l’un réaliste et coloré, et l’autre, minimaliste, un tracé blanc sur fond noir, à partir de dessins techniques qu’il a découverts lors de ses recherches. C’est ce dernier qui sera retenu. On notera les cotes reprises en bordure. L’ensemble présente une locomotive de 1949, un tender (wagon destiné au combustible) et une voiture-restaurant.
Fresque symbole des relations apaisées entre graffeurs et la SNCF, entre villes et street artistes, pourrait-on dire.

ORIENT-EXPRESS de 1883 à 1977, avant de renaître sous le nom de VENISE-SIMPLON-ORIENT-EXPRESS en 1982

Le thème associé des Journées du Patrimoine 2021 portant sur le patrimoine ferroviaire, nous avons choisi d’évoquer la légende de ce « Roi des Trains, Train des Rois » dans notre Rubrique Patrimoine.

Emblème du patrimoine français, ce train mythique, symbole de l’époque fastueuse et débridée des Années Folles, nous fait toujours l’honneur, sous le nom de VENISE-SIMPLON-ORIENT EXPRESS, de desservir la gare de Calais de mars à novembre. Véritable « palace roulant », cette rame, constituée de 17 voitures des années 20, est la seule à être encore en activité de façon régulière. Celle-ci fait revivre, pour une clientèle privilégiée, le faste de cette époque qui a connu l’apogée de L’ORIENT EXPRESS, et l’âge d’or du voyage ferroviaire.

C’est grâce à un homme visionnaire de Liège, GEORGES NAGELMACKERS, banquier et Ingénieur des Mines, que tout commence. Lors d’un séjour aux Etats-Unis, qu’il effectue suite à une histoire d’amour contrarié, celui-ci découvre la formidable avancée technologique des voitures Pullman, pourtant trop peu confortables à son goût. Il décide d’y associer le confort et le luxe des paquebots transatlantiques pour proposer de réaliser le « rêve oriental » cher aux élites du XIXe siècle.
En 1876, il fonde la COMPAGNIE INTERNATIONALE DES WAGONS-LITS et le premier Orient-Express quittera la gare de Strasbourg (actuelle gare de l’Est) à Paris en 1883 pour rejoindre Constantinople (nom d’Istanbul alors), mais avec des transbordements qui ne cesseront qu’en 1889 lorsque la totalité du voyage pourra se faire dans la même rame.
Malgré la complexité du passage des frontières, les règlementations différentes selon les pays traversés et les problèmes techniques, Georges Nagelmackers parviendra à ses fins.
Le réseau de l’Orient-Express -initialement l’Express d’Orient- ne cessera de se développer, les parcours seront multipliés, le creusement du tunnel de Simplon en 1906 permettra l’itinéraire du sud, plus court, et des prolongements permettront d’atteindre des clientèles spécifiques.
L’atout de la vitesse (4 jours pour l’aller contre une quinzaine par voie maritime), associé à la recherche d’un luxe absolu, attireront l’attention non seulement de l’opulente clientèle ciblée, rois et princes, maharadjahs, milliardaires et célébrités, mais aussi d’une presse enthousiaste, et de nombreux écrivains qui en feront le thème de leurs œuvres, romans en particulier, souvent repris par le cinéma. Qui ne connaît « Le Crime de l’Orient-Express d’Agatha Christie », inspiré en partie par un incident notoire survenu durant l’hiver 1929 où le train s’est retrouvé bloqué par la neige à 130 km d’Istanbul ? Et sait-on qu’après un attentat terroriste en Hongrie, Joséphine Baker, passagère sortie indemne du train, chantera pour réconforter les survivants ? Ou encore que le roi de Bulgarie, prenant ce train pour un jouet, tiendra à le conduire personnellement, au grand dam du conducteur et des passagers ?

Mais, outre la prouesse technique, c’est le luxe inouï voulu par Georges Nagelmackers qui va contribuer à lui donner une réputation mondiale.

L’entre-deux guerres est la pleine époque de l’Art Déco. En 1922, les voitures en teck cèdent la place à des voitures métalliques bleu nuit bordées d’un liseré or, plus confortables encore que les précédentes, mais surtout le décor est confié à de grands artistes, tels René PROU pour la marqueterie, et René LALIQUE pour la verrerie, composée de panneaux en cristal, lustres, appliques etc. L’élégante stylisation des motifs répond à la qualité intrinsèque des matériaux employés. Le raffinement et l’élégance sont recherchés jusque dans les moindres détails. L’harmonie est totale, on qualifie à juste titre » d’art global » le mouvement Art Déco. En parallèle, le service se veut impeccable, dans le but de libérer le riche voyageur de toute contrainte.
Tout contribue à permettre ce « rêve d’évasion », promesse de ces voyages exceptionnels. Dans « Wagon-Lit », Joseph Kessel s’exprime ainsi : « Je regardais à peine le paysage…le miracle était à l’intérieur, dans cette boite close, vernie et capitonnée ».

Les deux guerres mondiales perturberont grandement ces voyages, et à la suite de la Seconde Guerre Mondiale, on peut véritablement parler de déclin. La guerre froide et la concurrence du transport aérien, entre autres, auront raison du Direct-Orient-Express en 1977.
Mais en 1982, James Sherwood, magnat américain, président de la société Belmond, rétablit la liaison au départ de Londres, après avoir fait restaurer 26 voitures à Ostende et à Brême. Seront également restaurés les tapisseries de Marie LAURENCIN et les pâtes de verre de René Lalique. Et on fera appel à un décorateur français, Gérard Gallet, pour « dessiner un linge chiffré, à la marque de ce train d’exception, une verrerie de cristal, une argenterie de palace, des lampes et accessoires identiques à ceux qui étaient à bord et qui ont été volés par des collectionneurs ou ont été perdus ».
Son objectif est de faire revenir les riches britanniques dans son hôtel de luxe à Venise, en reprenant le tronçon le plus commercial de l’itinéraire : Londres, Paris, Venise. La société Belmond signe un accord de licence avec la SNCF toujours détentrice de la marque. Le VENISE-SIMPLON-ORIENT EXPRESS, devient un train régulier, constituant la rame dite « continentale », entre Calais et Venise. Par ailleurs, la société affrète un train-croisière évènementiel –le Pullman Orient-Express- composé de 7 voitures dont certaines sont classées au titre des Monuments Historiques.
Depuis 1982, le Venise-Simplon-Orient-Express continue donc d’écrire la légende, et d’enchanter l’histoire.
Pour vivre cette expérience unique d’un séjour comportant trois nuits, dont une à bord du train, les deux autres dans un palace vénitien, il vous en coûtera près de 3500€.
Un train mythique certes, mais qui est entré dans l’histoire puisque c’est dans le wagon-restaurant n° 2419 de l’Orient-Express de 1913, devenu bureau du général Foch, commandant en chef des armées alliées, que sera signé l’Armistice, dans la clairière de Rethondes. La Cie des Wagons-Lits en fera don à l’état français en 1921. On sait qu’il sera détruit par les nazis par la suite, et remplacé.

Elisabeth CALAIS

Commission Patrimoine

Les Amis du Vieux Calais

Pour aller plus loin :
- « Il était une fois l’Orient-Express ». collectif d’auteurs-Snoek éditeur.Paris 2014.-104p. Cote 625 ETA (Médiathèque de Calais). Exposition SNCF/Institut du Monde Arabe de 2014
- Article « Venise Simplon Orient Express, Un train de rêve » Boulogne Informations n°80 juin 1990
- Revue Geo-Histoire Hors Série « Les trains qui ont marqué l’histoire » novembre-décembre 2018
- Site velobuscotedopale « L’Orient-Express passe toujours par Calais »
- Entrée en gare de Calais du Venise Simplon Orient Express
Youtube
- Programme des JEP à Calais -
www.calais.fr
- Festival Street Art Calais 2021 -
https://www.calais-cotedopale.com/
- Dentelle "l'Orient-Express en dentelle", création de Robert West à l'occasion de l'Exposition Universelle de 1900 CIDM -
http://mariame62.e-monsite.com/medias/images/west-train-1900.jpg

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